St Paul |
Après la mort et la résurrection de Jésus, des communautés chrétiennes fleurissent dans tout l’Empire romain. Autonomes, traversées par des courants très différents, elles donnent une image de l’Église des premiers siècles d’une grande diversité, qui a cherché son unité, malgré les tensions, dans le dialogue et la conciliation.
► Peut-on dater précisément la naissance de l’Église ?
Dans les Évangiles, Jésus dit à l’apôtre Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». L’évangéliste utilise le mot grec ecclesia, qui signifie « assemblée ». L’Église est l’assemblée des disciples du Christ. Son point de départ est situé différemment selon les biblistes. Pour Michel Quesnel, bibliste et théologien, « l’Église est née le jour de la Pentecôte. (...) Après la descente de l’Esprit, Pierre annonce la résurrection de Jésus et invite ses auditeurs à se faire baptiser. »
Le bibliste et exégète Daniel Marguerat voit l’événement déclencheur dans « la divine surprise de Pâques » quand les femmes, puis les disciples, « reçoivent la révélation que la vie de Jésus ne s’arrête pas à la croix, mais que Dieu a fait Seigneur celui que les hommes ont rejeté ».
Sébastien Morlet, spécialiste de littérature patristique, préfère quant à lui situer la naissance de l’Église à la mort de Jésus, un événement non surnaturel : « Ce que l’on peut dire, c’est qu’un personnage charismatique s’est entouré de disciples qui à sa mort se sont demandé quoi faire. Le texte de Luc nous dit qu’ils ont décidé de poursuivre et d’amplifier le mouvement d’adhésion à Jésus. »
► Qui étaient les premiers chrétiens ?
La première Église chrétienne qui naît à Jérusalem est composée de juifs. Ses membres restent attachés au Temple et à la Loi, mais « croient que Jésus est le messie envoyé par Dieu à son peuple. Ils convertissent d’autres juifs à la même foi », explique Daniel Marguerat. Cependant, dès le départ, l’Église de Jérusalem est composée de deux courants : des juifs de langue et de culture sémitiques, d’autres de langue et de culture grecques. Ceux-ci, que Luc appelle les « hellénistes », « ont une vision plus libérale de la foi, ils sont plus distants par rapport au Temple et à la Torah ». Des tensions naissent entre les deux courants, mais aussi avec l’ensemble des juifs hébraïsants. Étienne, le chef des hellénistes, est lapidé pour blasphème. Ses compagnons quittent Jérusalem. (...)
Réfugiés à Chypre et surtout à Antioche, raconte Daniel Marguerat d’après les Actes (11,19), « dès le début des années 40, ces juifs hellénistes annoncent le message de Jésus aux non-juifs, de même langue et de même culture qu’eux ».(…) Enfin, poursuit-il, « Paul joue un rôle très important dans la diffusion du message chrétien. Dans les villes qu’il visite, il se rend dans les synagogues, s’appuyant sur le réseau juif existant. Mais le livre des Actes ne cesse de préciser qu’il s’adresse aussi aux païens ».
La mixité des communautés qui se créent rapidement autour de la Méditerranée suscite pour les premiers chrétiens des questions importantes. Faut-il se convertir au judaïsme pour devenir chrétien ? (…)
► À quelle époque une organisation hiérarchique apparaît-elle ? Comment l’Église s’unifie-t-elle ?
(…) La première génération de chrétiens, celle de Paul, est avant tout missionnaire et se préoccupe peu de son organisation. » Pourtant, même si le fonctionnement est plutôt collégial, « il est très tôt fait mention de fonctions hiérarchisées, note Michel Quesnel. Paul dresse une liste précise des différentes responsabilités : “Ceux que Dieu a disposés dans l’Église sont premièrement ses apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des enseignants…” (1 Co 12, 28) ».
À la génération suivante, une hiérarchie à trois niveaux, épiscopes, anciens et diacres, émerge progressivement et gagne les communautés. (...) Au début du IIIe siècle, presque toutes ont adopté une organisation de type monarchique, avec un seul chef, l’évêque. À la même époque se constitue le canon des Écritures. ( …) « On estime que le canon des Écritures est fixé dans ses grandes lignes à la fin du IIe siècle», rappelle le bibliste. En occident, l’Église est à peu près unifiée au Ve ou VIe siècle. « L’évêque de Rome restera durant toute l’Antiquité un évêque parmi d’autres », assure Sébastien Morlet. Plus tard, il prendra seul le titre de pape, confirmant sa prééminence chez les catholiques.
Extrait d’un article de Christel Juquois, La Croix - 04/10/2024