L’invité de la porte de service


Pendant la messe d’ordination de Mario par notre Évêque, alors que Mario répondait par de grands OUI aux engagements qu’il prenait, un homme est entré par la porte de service, du côté du baptistère ou je me trouvais assise parmi les enfants. Il a regardé en passant la tête et disparu en refermant la porte. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre de nouveau et le même homme se présente, casquette sur la tête. Apparemment, il chercher quelque chose, ou plutôt quelqu’un.

Je le regarde et il vient vers moi, s’assoit à mes côtés et me dit à voix très basse : « quelqu’un s’est garé derrière moi, je suis coincé et je ne peux pas sortir ma voiture ». Il avait, sans aucun doute profiter d’un apéritif généreux ce jour-là. Je ne sais pas quoi lui dire sur le moment. Et il ajoute : « il faut trouvait la personne pour que je puisse partir ! » Je regarde alors l’assemblée et lui aussi du coup. On se regarde ensuite et je lui dis : « pas sûr de pouvoir trouver qui est garé derrière toi maintenant, au vu du monde qui est dans l’église, regarde ! » et je me dis : « et au vu de l’importance du moment, on n’allait pas faire une annonce au micro... »

Il me dit alors en enlevant sa casquette : « ok, mais, combien de temps cela va encore durer votre truc là ? »  Veuillez me pardonner car j’ai menti !!! je lui ai répondu : « une demi-heure tout au plus ! » sachant que nous n’étions pas encore à la moitié du livret. Il râle un peu, et puis il me dit : « vous faite quoi là ? C’est quoi votre truc ? Je n’y comprends rien, je ne suis jamais rentrée dans une église ». Alors, je lui explique ce qu’il se déroule sous nos yeux, l’engagement de Mario, la présence de notre évêque et l’ordination en général. Il écoute attentivement et me dit après coup : « De toute façon, je n’y crois pas à votre truc ! » Et moi de lui répondre : « Ce n’est pas grave, tu as le droit ! Mais comme tu me dis que tu n’y comprends rien, alors je t’explique, comme ça, tu comprends ».
 
D’un coup l’assemblée se lève, et bien entendu, c’est ce que je fais également. Il me demande alors : « je dois me lever moi aussi ? » et je souris en lui disant : « nous, on se lève parce que l’on croit en Dieu et c’est une marque de respect. Si tu ne crois pas, tu peux rester assis ». Et contre toute attente, il se lève et me dit : « Je me lève, je fais comme tout le monde ». (c’est d’ailleurs ce qu’il fera à chaque fois qu’il y aura un mouvement dans un sens comme dans l’autre). Je lui souris alors qu’il continu à me poser des questions pour comprendre, entrecoupés de : « c’est comme du théâtre, c’est quoi votre truc, de toute façon moi je n’y crois pas, je ne crois pas aux religions, je suis cartésien... Il y en a encore pour longtemps ? ». Je l’interpelle sur le fait que je respecte le fait qu’il ne croit pas, mais, que lui aussi dois respecter le fait que moi, je crois ! J’avais aussi un peu envie d’entendre ce qu’il se passait, car, notre ami avait un bon débit de parole.

Après un temps d’observation de la cérémonie, il me relance en disant qu’il est en fait protestant. Je lui souris à nouveau en lui disant qu’il a le droit mais aussi en lui rappelant qu’il m’avait dit précédemment qu’il ne croyait pas aux religions, pour reprendre son expression. Il me dit alors que « notre truc », c’est du business, tu dois donner à la quête ! Je ne peux me retenir de rigoler, avec bienveillance bien entendu et lui dit qu’il n’y a rien d’obligatoire et que l’église est ouverte à tout le monde et que d’ailleurs, c’est ça le mystère de la foi, c’est être libre de croire... ou pas ! J’en profite pour lui glisser que l’on peut se convertir jusqu’au dernier moment, que Dieu nous attend mais ne nous oblige pas à venir à lui, c’est ça l’Amour, respecter la liberté de chacun. Bien entendu, revient le : « Je n’y crois pas moi à votre truc » suivi de mon : « Tu as le droit ».

Puis, à la fin de la célébration, quand toute l’assemblée des consacrés se dirigea vers les portes de l’entrée de l’église, mon cher voisin me dit : « Ils vont où tous les gars en blanc là ? ». Avec une grande respiration pour éviter de trop rigoler (je ne voudrais pas le froisser quand-même), je lui explique que les prêtres et l’évêque vont se positionner à la sortie de l’église pour échanger, un regard, une parole ou autre avec chaque paroissien, car nous sommes tous important à leurs yeux car ils représentent Dieu et que c’est un moment de partage. Je sens alors que mon nouvel ami est sous pression. Je lui dis alors qu’il a deux solutions qui s’offrent à lui, soit, la grande porte avec la présence des consacrés, soit, repartir par la porte de service par laquelle il est entrée.

Avant de laissé ce brave homme repartir, comme il l’avait choisi par la porte de service, je l’ai pris par le bras (car lui aussi m’avait tenu plusieurs fois par le bras pour me parler) et je l’ai amené voir la statue de Jésus, le Sacré Cœur au font de l’église en lui disant : « tu vois, là, c’est Jésus qui offre son cœur, sa miséricorde. Il tend sa main pour proposer de venir à Lui mais ne l’impose pas. Tu peux la prendre, sa main, aujourd’hui, ou demain, ou le dernier jour de ta vie car sa main sera toujours tendue mais Lui, ne t’obligera jamais à la prendre. C’est ça l’Amour, la liberté de croire... ou pas.

Maintenant que nous ne sommes plus des inconnus, après tout ce que l’on a traversé ensemble, je me permets de lui demander son prénom (que je vais garder pour moi, bien entendu) et lui donne le mien en échange. Avant de le laisser aller, je me permets un dernier : « un jour, tu repenseras à ce moment-là ! Tu n’as pas atterri là, comme ça, par hasard ? Si un jour tu te sens seul, perdu, repense à aujourd’hui et tu verras ». Je vous laisse imaginer la réponse qui était similaire aux précédentes mais... mais... j’ose à croire qu’un jour....

Une paroissienne