Carême 2023

entrer dans le silence sacré de l’intériorité

L'épreuve du Christ au désert nous rappelle l'importance du combat spirituel et la nécessité de descendre «au fond de l'âme», explique le père passioniste Philippe Plet, recteur du sanctuaire Notre-Dame du Cros dans le diocèse de Carcassonne.
40 jours de jeûne, d’épreuve, retiré du monde. Tenté par le diable, servi par les anges. Après son baptême, Jésus est poussé au désert par l'Esprit saint.

Quelle est la relation du Christ au désert ?
Dans sa première épître, saint Jean explicite ces trois tentations par trois convoitises : la convoitise de la chair, celle des yeux, et l’orgueil de la vie. Le désert, c’est-à-dire la nature humaine coupée de Dieu, devient un objet de rédemption par ces quarante jours passés par Jésus au désert, avant sa vie publique. Il a été poussé au désert par l’Esprit saint, nous disent les synoptiques. C’est l’Esprit saint qui veut que l’homme se retrouve en face de sa vérité. Le désert est le dénuement.

Comment définir le désert du Carême, que nous enseigne-t-il en dehors des tentations ?
Le désert a plusieurs facettes. Il est à la fois un lieu de purification, d’illumination, et de maturation, de croissance et de contemplation ; d’approfondissement et de prière. L’étymologie hébreu du terme désert, Midebar, peut se lire aussi en deux mots, min-dabar. Dabar signifie la parole, et le min marque l’éloignement, «loin de», «sortir de». Nous pourrions de ce fait traduire le désert de deux façons: une absence de parole, hors de la parole, loin de la parole, à savoir le désert physique et matériel, sans homme; et en même temps, le min pourrait se traduire en un sens positif «d'au-delà», «par-delà» la parole, révélant une transcendance. 

Comment se retirer, en silence, en intériorité, solitude, dans un monde qui semble pareil à un désert bruyant, saturé, futile ?
C’est une question que les compagnons de saint Paul de la Croix, fondateur de la congrégation passioniste à laquelle j’appartiens, lui posait souvent. Saint Paul de la Croix leur répondait qu’il n’était pas la peine d’aller dans la Thébaïde, en Égypte, mais qu'il suffisait de se retirer dans sa chambre et de rentrer dans le désert sacré. C’est l’intériorité que symbolise le désert. Il faut donc détourner notre oreille du monde, en effet bruyant comme l’Égypte de l’Ancien Testament, faire comme Moïse et fuir l’Égypte. Pour cela, il faut descendre dans notre cœur, le fond de l’âme. Cette descente est un apprentissage. Lorsqu’on prie, le but est d’entrer dans le silence sacré de l’intériorité, ce désert divin qu’est notre intériorité. Prendre conscience de sa pauvreté créaturale et poser un acte d’abandon et d’espérance en Dieu. L’intériorité, l’âme est bien évidemment l’objet du salut. Faire taire nos convoitises, nos appétits, en tout cas les limiter, est un exercice pour entrer dans ce silence intérieur.

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Vatican News